Une éclaircie dans la saga NethysUne alliance de coopératives citoyennes veut reprendre Elicio
LIÈGE – La récente saga de la vente d’Elicio, en toute opacité et pour deux euros, a fait couler beaucoup d’encre et a offensé durablement l’opinion publique. Par ailleurs, dans leur grande majorité, les acteurs énergétiques actifs en Wallonie ne sont plus locaux mais bien des multinationales dont les centres de décision ne sont pas en Wallonie et dont les bénéfices profitent trop peu à l’écosystème économique local. Le phénomène n’est pas seulement wallon : 44 communes hollandaises viennent par exemple d’être dépossédées de leur producteur éolien Eneco, passé dans des mains asiatiques.
En réponse à cet état de fait, des coopératives citoyennes proposent de reprendre le contrôle d’Elicio en devenant actionnaire de référence. Cela apparaît essentiel pour gérer l’entreprise en transparence, garder la maîtrise de notre énergie renouvelable et durable, pour éviter que les plus-values n’échappent aux acteurs locaux ce qui limite leur capacité d’action au service de l’intérêt général… mais aussi et surtout pour renforcer l’économie de la Wallonie en y développant le parc éolien local.
Pour ce faire, avec le soutien de la fédération REScoop (Renewable Energy Sources Cooperatives), plusieurs coopératives citoyennes wallonnes actives dans les énergies renouvelables et des acteurs liégeois créent « Energies Coopératives », alliance de coopératives dans lesquelles les citoyens seront appelés à (s’)investir.
Energies Coopératives se positionne comme candidat acquéreur d’Elicio et demande l’accès à toutes les informations relatives aux actifs de la société (data room) afin de pouvoir remettre offre.
Pour rappel, Elicio est un producteur d’énergie renouvelable qui est une filiale à 100% de Nethys. Elicio a développé des parcs éoliens onshore (un peu en Wallonie, mais principalement en France, Flandre et Serbie) et offshore (Mer du Nord) qui couvriront à l’horizon 2020 les besoins en électricité de 500.000 ménages.
En support aux investissements citoyens, Energies Coopératives s’appuie sur le réseau européen REScoop et sur son fonds « Mecise » mis en place pour financer à l’échelle européenne des projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique. Mecise assurera le portage financier de l’opération, car il est évident qu’Elicio vaut bien plus que deux euros.
Fabienne Marchal, présidente de REScoop Wallonie : « Nous voulons renforcer Elicio sur le territoire wallon en combinant les compétences d’un développeur avec notre expertise de terrain et de dialogue avec les citoyens. Nous avons la volonté de développer nos parcs éoliens en partenariat avec Elicio. L’intégration des coopératives citoyennes comme actionnaire de référence rendra Elicio plus résiliente, en l’inscrivant dans un système économique pluriel dans lequel collaborent secteur privé lucratif traditionnel, secteur public et ce “troisième secteur” qui se distingue des deux autres et articule en son sein des logiques marchandes et non-marchandes. Nous allons mettre en œuvre les principes de transparence, de solidarité et de durabilité en misant sur le modèle coopératif de l’économie sociale, locale et circulaire, ouvert à tous les citoyens, pour l’exploitation d’un bien commun comme l’énergie du vent qui, contrairement à l’énergie solaire, est difficilement accessible aux citoyens isolés. »
Fabrice Collignon, porteur local du projet : « Le temps de l’initiative industrielle citoyenne est arrivé. Il est essentiel de nous coaliser pour assurer notre indépendance énergétique via un projet industriel fort, contrôlé par les citoyens, ancré dans le 21e siècle et ses enjeux environnementaux. La reprise et le développement d’une entreprise qui produit de l’énergie en limitant fortement les émissions de gaz à effet de serre est un accélérateur de transition écologique et de redéploiement économique pour la Wallonie. Cette initiative industrielle citoyenne va lever des moyens financiers auprès du grand public et démontrera sa capacité à être un partenaire fiable, agile et efficace dans la gestion de projets énergétiques d’ampleur. »
Sybille Mertens, Professeure à l’Université de Liège – Centre d’économie sociale : « D’un point de vue économique, le modèle coopératif est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit d’assurer un ancrage local à un projet économique d’intérêt collectif. Nos recherches démontrent la nécessité de concevoir la gestion des biens communs (comme l’énergie) en favorisant des solutions impliquant les citoyens. En effet, la présence citoyenne renforce la légitimité de l’action publique et facilite l’adoption de comportements plus responsables dans le secteur de l’énergie, tant au niveau de la production, de la distribution que sur le plan de la consommation. »
Dirk Vansintjan, Président de la fédération européenne REScoop.eu et administrateur REScoop Vlanderen : « Les citoyens et les autres consommateurs de l’électricité basse tension supportent 90% du coût de la transition énergétique en Belgique via l’incorporation des certificats verts à leur facture d’électricité. Ainsi faisant, ils rendent, financièrement, la transition énergétique intéressante aux gros consommateurs d’électricité. Ne serait-il pas justifié qu’on leur offre la possibilité de devenir propriétaire des parcs de production d’énergie verte ? La reprise d’Elicio par des coopératives de citoyens dans leur région est un pas dans la bonne direction. »
La reprise d’Elicio par Energies Coopératives s’inscrit totalement dans la Déclaration de politique régionale du Gouvernement wallon. Celle-ci entend « encourager les entrepreneurs qui inscrivent leur action dans le cadre de la transition énergétique et de l’économie circulaire » (p. 27), développer et appuyer le développement éolien au travers de la participation citoyenne (p. 61), mais aussi que la collectivité se réapproprie la maîtrise de l’énergie (p. 59) en encourageant le développement de l’économie sociale (p. 37) et le développement de la finance citoyenne et solidaire en faisant appel à l’épargne des Wallons (p. 32). Tout cela dans une vision énergétique d’une Wallonie « 100% énergies renouvelables » et neutre en carbone d’ici 2050 (pp. 54 et 59).